Baignade Sauvage #3

L’importance d’un musicien comme Mocke au cours de ces dernières années sur la scène pop française est indiscutable. Ses pièces instrumentales évoquent tour à tour la pop à tête chercheuse, les musiques créatives, les harmonies éthiopiennes, le surréalisme, les musiques de films italiens… La liste pourrait être très longue tant sa musique est évocatrice, tant la palette est large. Cette musique fuit en permanence et nous échappe quand on croit s’en saisir.

L’enjeu de ce solo est de tisser une musique contemporaine, improvisée et méditée, instrumentale et chantée. Partir de l’écoute du phénomène sonore, s’y plonger, autant dans les textures de l’alto que dans le son des collectages du Haut Agenais. Mais le travail du solo est loin d’être solitaire : sont convoqués ici différentes mémoires musicales, chants de noces occitanes, chants de traite du Vénézuela, évocations de la voix de Nico (Velvet), suites de Bach, musique de film (Ulysse’s gaze). Un territoire chanté, fait de ruines vivantes, de bribes, de mélodies et de reliefs. Une œuvre-paysage, ouverte, évolutive.

Sébastien Brun est un batteur protéiforme, jusqu’au-boutiste, au jeu rugueux et singulier, que l’on retrouve dans de nombreuses aventures sauvagement électrifiées (Irène, Horns, Parquet). Ici seul en piste, il apparaît aux commandes d’une batterie épaulée par une électronique étourdissante aux textures multiples, faites d’empilements et de distorsions. Une musique profondément physique, un combat contre l’immobilisme.

Sakina Abdou, saxophoniste et flûtiste, brille depuis de nombreuses années au sein de turbulents collectifs, dont Muzzix, autour de l’emblématique scène lilloise de la Malterie, puis au sein d’orchestres phares des musiques aventureuses tels que La Pieuvre, L’Organik Orkeztra, le 11h11 ou Le Red Desert Orchestra. Mais c’est en solo que son identité forte et multiple transparaît de manière éclatante : un son puissant, précis, tantôt écorché, tantôt plein de grâce et de quiétude.

À la fois résolument expérimentale et particulièrement émouvante, la musique de Julia Reidy (originaire de Sydney) est une collection intime de compositions explorant le timbre et les micro-intervalles de la guitare, subtilement associée à l’électronique et à la voix. Fingerpicking, abstractions folk, territoires harmoniques instables, accordages étranges, rythmiques élastiques… et tout à fait unique !

Geo démontre que l’immense tsunami post-punk de cette dernière décennie n’est pas encore dans sa phase de reflux. Leur musique oscille entre no-wave, dance-punk et acid-funk, et rapproche des parentés actuelles (D.U.D.S., Shopping) d’influences plus anciennes (James Chance and the Contortions, The Fall, Liquid Liquid). Leurs débuts ne sont pas passés inaperçus puisque Bandcamp a classé leur premier EP comme une sortie essentielle.

Derrière ce nom énigmatique (ou admettons qu’on puisse traduire « dance-floor » par « parquet ») se cache un fantasme de musiciens : jouer live, sans platine, une techno rugueuse digne d’un club berlinois. Batterie rectiligne, guitares anguleuses, électronique abrasive, basse massive. Rapprochement heureux du Collectif Coax et Carton Records, Parquet est une entreprise tribale, jubilatoire, mais aussi un hommage à l’univers des jeux vidéos addictifs des années 80. Pacman meets Jeff Mills.

Gibbon est un solo de guitares accompagnées d’un poste radio-cassette. Une sorte de duo donc. Ça fouine dans les cordes avec de l’objet de bois ou de métal, glané ça et là. Une horde d’effets vient dialoguer avec le geste brut, autour desquels s’agitent des bandes enregistrées et des bazars amplifiés. Et la voix et les textes poétiques sont bricolés au-dessus, avec, dedans. Alors, ça s’élance, on pense à une ronde souvent, avec de très longs bras pour se prendre les mains.

Trio instrumental pour une danse circulaire entre ciel et terre. Trompette électrifiée, basse entêtante, batterie persistante. Un univers sonore kaléidoscopique et continu. Bourdon, dilatation du temps, rythme obsessionnel. Vibration constante, apparente simplicité, illusion de fixité. Est-ce une traversée, une ascension, ou un envol ?